Rejet et rétablissement

Les prophètes Ézéchiel et Jérémie parlent sans détour

Dans cet épisode sur les Prophètes, nous abordons les vies de Jérémie et d’Ézéchiel, ainsi que leurs messages respectifs à la nation de Juda.

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(PARTIE 25)

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À notre connaissance, les sacrificateurs-prophètes Jérémie et Ézéchiel ne se sont jamais rencontrés, bien que leurs vies et leurs messages se soient recoupés tandis que le peuple de Juda sombrait dans l’idolâtrie et, finalement, devenait captif des Babyloniens au sixième siècle avant notre ère. Jérémie prophétisait déjà en 627, la treizième année du règne du souverain réformateur Josias (quoique, selon un autre avis, il soit né cette année-là, environ cinq ans avant Ézéchiel). Ce que Jérémie devait dire à son peuple prolongeait le précédent avertissement d’Ésaïe adressé à Juda au sujet de l’attaque et de la chute prochaines de Jérusalem.

Jérémie était jeune quand Dieu lui a dit qu’il l’avait choisi pour être prophète (Jérémie 1 : 4‑7). Il descendait d’Élie, souverain sacrificateur à l’époque de Samuel quand le tabernacle était à Silo, au nord de Jérusalem. Remplaçant cette lignée sacerdotale, Salomon institua les sacrificateurs sadocites de David et chassa de Jérusalem les anciens sacrificateurs (voir 1 Rois 1‑2).

Après avoir d’abord résisté à son appel, Jérémie servira pendant environ quarante ans Juda et les nations voisines. Comme Ézéchiel, dont la mission a couvert un grand nombre des mêmes peuples et territoires en s’étalant sur plus de vingt ans, il allait être implacable face à ses auditoires, parlant même si l’assistance ne voulait pas écouter (comparer Jérémie 1 : 7, 17‑19 ; Ézéchiel 1 : 7‑8 et 3 : 7‑10).

 

« Le prophète est [...] un témoin de l’émotion divine, en attestant de la préoccupation de Dieu pour les êtres humains. »

Susannah Heschel, « Introduction », The Prophets, Abraham J. Heschel

Signes et symboles

Grâce à l’exécution de scènes symboliques, chacun transmit des oracles en montrant ce qui allait se passer et pourquoi.

Par exemple, répondant à une instruction divine, Jérémie acheta un tissu de lin et le porta contre lui, marquant ainsi la proximité de Dieu avec son peuple. Il l’emporta ensuite jusqu’à l’Euphrate pour le cacher dans les rochers. Plus tard, il le retrouva, abîmé et inutilisable, pour représenter les dégâts des Babyloniens sur la Juda et Jérusalem, elles-mêmes propres à rien (Jérémie 13 : 1‑11).

Dans un autre cas, pour aider Juda à comprendre le rôle de Dieu en tant que Créateur d’Israël, Jérémie a dû se rendre dans la boutique d’un potier et regarder l’artisan travailler (Chapitre 18). Ensuite, il a dû briser un vase d’argile, pour symboliser que Dieu, en tant que son Créateur, briserait son peuple et la ville de Jérusalem (Chapitre 19). Quand le prophète porta un joug (Chapitres 27 et 28), c’était pour préfigurer la future domination de Nebucadnetsar sur toute la région et la nécessité pour l’ensemble de la population de se soumettre volontairement. Ayant reçu l’ordre d’acheter un champ pendant le siège de Jérusalem par les Babyloniens et de garder les contrats, le prophète était censé montrer ainsi qu’en définitive, Dieu permettrait la restitution de ses terres au peuple (Chapitre 32).

De même, le ministère prophétique d’Ézéchiel a intégré de nombreuses interprétations mimant ce qui allait se produire. Par exemple, il reçut pour instruction de fabriquer une représentation en miniature de la ville de Jérusalem assiégée et affamée, et de se coucher sur le côté pendant de très nombreux jours afin de symboliser le châtiment d’Israël, de Juda et de la cité pour leurs années de comportement impie (Ézéchiel 4). Il a ensuite dû se raser la tête et la barbe, et disposer de sa chevelure de trois manières différentes pour dépeindre la ville souffrant d’épidémies et de famine, sa population attaquée et la dispersion des habitants (Chapitre 5).

Comparaison des livres

Bien que d’autres livres comportent plus de chapitres, Jérémie est le plus long en nombre de mots, l’ensemble réunissant de nombreux messages compilés en partie par le scribe du prophète, Baruc (voir Jérémie 36 : 1‑4, 32 ; 45 : 1).

Son chevauchement avec Ézéchiel apparaît non seulement par le contenu général des livres, décrivant tous deux jugement et rétablissement, mais aussi par des aspects plus spécifiques. On trouve notamment l’image d’une chaudière bouillante venue du Nord et représentant l’invasion babylonienne, qu’Ézéchiel transforme en Jérusalem qui, elle-même, devient une chaudière de châtiment sous cette attaque ennemie (Jérémie 1 : 13‑15 ; Ézéchiel 11 : 1‑12, 24 : 3‑13). De la même façon, l’image des deux sœurs pécheresses symbolisant le royaume d’Israël au nord et celui de Juda au sud (Jérémie 3 : 6‑11) est développée dans le chapitre 23 d’Ézéchiel. Troisièmement, Jérémie corrige une analogie populaire au sujet des raisins verts pour montrer que chacun porte la responsabilité de ses propres péchés, pas de ceux des autres. Cet éclaircissement est enrichi par Ézéchiel (Jérémie 31 : 29‑30 ; Ézéchiel 18).

Sans surprise, Ézéchiel et Jérémie ont le même avis sur les faux prophètes qui expriment leurs pensées, non pas une inspiration divine. Évoquant les propos divins transmis par Jérémie – « Ils disent les visions de leur cœur, et non ce qui vient de la bouche de l’Éternel » –, Ézéchiel adresse cet avertissement de Dieu : « Malheur aux prophètes insensés, qui suivent leur propre esprit et qui ne voient rien ! » (Jérémie 23 : 16 ; Ézéchiel 13 : 3).

Pour ce qui est des aspects positifs de son message liés au rétablissement, Jérémie consigne la promesse de Dieu à son peuple : « Je leur donnerai un même cœur et une même voie, afin qu’ils me craignent toujours, pour leur bonheur et celui de leurs enfants après eux » (Jérémie 32 : 39). Dans Ézéchiel, nous lisons « Je leur donnerai un même cœur, et je mettrai en vous un esprit nouveau ; j’ôterai de leur corps le cœur de pierre, et je leur donnerai un cœur de chair » (Ézéchiel 11 : 19).

Jérémie est connu également pour la promesse d’une nouvelle alliance. Au chapitre 31, il parle du retour des maisons d’Israël et de Juda dans leur pays, ainsi que du don de l’Esprit divin au peuple secouru en vertu d’une nouvelle entente : « Mais voici l’alliance que je ferai avec la maison d’Israël, après ces jours-là, dit l’Éternel : Je mettrai ma loi au-dedans d’eux, je l’écrirai dans leur cœur ; et je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. » Ézéchiel fait référence au même épisode : « Je mettrai mon Esprit en vous, et je ferai en sorte que vous suiviez mes ordonnances, et que vous observiez et pratiquiez mes lois. Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères ; vous serez mon peuple, et je serai votre Dieu » (Jérémie 31 : 33 ; Ézéchiel 36 : 27‑28).

Un événement à l’autre extrémité de la série prophétique sur le rétablissement porte sur les peuples appelés dans Ézéchiel « Gog, au pays de Magog » (Chapitres 38 et 39). Ézéchiel semble s’appuyer sur la référence de Jérémie au traitement que Dieu réservera à toutes les nations lors d’une confrontation finale : « j’appellerai le glaive sur tous les habitants de la terre, dit l’Éternel des armées. [...] Le bruit parvient jusqu’à l’extrémité de la terre ; car l’Éternel est en dispute avec les nations, il entre en jugement contre toute chair ; il livre les méchants au glaive, dit l’Éternel » (Jérémie 25 : 29, 31). Ézéchiel mentionne que Gog est à la tête d’une coalition de gens que Dieu a déjà évoquée à travers ses prophètes, faisant peut-être allusion ici au propos susmentionné de Jérémie : « Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Est-ce toi de qui j’ai parlé jadis par mes serviteurs les prophètes d’Israël, qui ont prophétisé alors, pendant des années, que je t’amènerais contre eux ? » (Ézéchiel 38 : 17).

« [Jérémie] respectait les traditions antérieures, en particulier le Deutéronome, reflétant ainsi un avis similaire sur la nécessité d’observer la torah et sur les conséquences de l’ignorer. »

Marvin A. Sweeney, « Jeremiah : Introduction », The Jewish Study Bible

On fait parfois remarquer que l’effondrement de l’ancien Israël a ses origines prophétiques dans le chapitre 26 du Lévitique, où sont promises des bénédictions spécifiques en cas d’obéissance et des malédictions en cas de désobéissance. Ce contenu est globalement repris dans le chapitre 28 du Deutéronome, juste avant que les enfants d’Israël entrent en Terre promise. Le passage du Lévitique présente cinq niveaux croissants de châtiment si l’insoumission perdure. Le dernier niveau est l’exil et la captivité. Jérémie et Ézéchiel se réfèrent tous deux à ces malédictions pour désobéissance, en décrivant ce qui devait arriver à la suite de l’attaque babylonienne.

Les deux prophètes ont vécu des événements qui ont conduit à la chute de Jérusalem et à ses contrecoups, mais dans différents lieux et sous des angles différents. Jérémie œuvrait principalement à Jérusalem et aux alentours (par la suite, en Égypte) et il s’adressait aux rois, aux chefs et au peuple de Juda, tandis qu’Ézéchiel œuvrait en Babylonie auprès de ses compatriotes judéens en exil.

Pas à pas jusqu’à la chute

Le dernier roi intègre de Juda, Josias, institua des réformes religieuses après la découverte d’un livre de la loi dans le temple, peut-être le livre du Deutéronome (2 Rois 23). Sa vie et les changements entrepris furent interrompus en 609 quand il défia les forces égyptiennes qui allaient prêter assistance aux Assyriens contre les Babyloniens sur l’Euphrate. Blessé au combat, le roi mourut peu après à Jérusalem.

En Jérémie 7, le prophète prononce dans le temple son premier sermon datable. C’était en 609, au début du règne de Jojakim, fils de Josias (26 : 1). Il y détailla les péchés de la nation et le châtiment à venir. S’ils ne rectifiaient pas leurs habitudes, le temple serait détruit et ils connaîtraient le sort du royaume du Nord d’Israël. Ce territoire avait abrité un centre religieux israélite, Silo, qui avait été démoli avant le départ des tribus du nord en captivité : « Je traiterai la maison sur laquelle mon nom est invoqué, sur laquelle vous faites reposer votre confiance, et le lieu que j’ai donné à vous et à vos pères, de la même manière que j’ai traité Silo ; et je vous rejetterai loin de ma face, comme j’ai rejeté tous vos frères, toute la postérité d’Éphraïm » (Jérémie 7 : 14‑15).

L’un de péchés de Juda sur lequel il insista était le sacrifice d’enfants, pour lequel Dieu n’avait aucune tolérance : « Ils ont bâti des hauts lieux à Topheth dans la vallée de Ben-Hinnom, pour brûler au feu leurs fils et leurs filles : ce que je n’avais point ordonné, ce qui ne m’était point venu à la pensée » (verset 31).

Ce sermon irrita les membres de l’assistance (« les sacrificateurs, les prophètes, et tout le peuple ») au point qu’ils avertirent Jérémie qu’il mourrait. Cependant, des responsables du gouvernement entendirent parler du tumulte et arrivèrent de la maison du roi pour enquêter. Reconnaissant que Jérémie délivrait des paroles de Dieu, ils le défendirent (26 : 8, 10‑11, 16, 24).

En 605, les Babyloniens, sous le règne de leur prince héritier Nebucadnetsar, battirent les Égyptiens à Carkemisch dans le nord de la Syrie, puis ce qui restait de leur armée pendant la même année, dans le centre de la Syrie. C’était l’année où Jérémie reçut l’inspiration pour transmettre un message particulier de Dieu en lien avec la durée de son ministère jusque-là et avec l’entêtement du peuple de Juda à refuser de changer ses mœurs. Ce fut aussi l’année où Nebucadnetsar devint roi de Babylone. Dieu annonça alors une captivité de soixante-dix ans pour le peuple impénitent, ainsi que la destruction du pays : « Tout ce pays deviendra une ruine, un désert, et ces nations seront asservies au roi de Babylone pendant soixante-dix ans » (25 : 11).

Cette même année, Jérémie prononça une prophétie contre l’Égypte (46 : 2) et donna consigne à son scribe, Baruc, de préparer un rouleau de toutes les prophéties transmises jusqu’alors (36 : 1‑4 ; 45 : 1). Comme les Babyloniens continuaient d’avancer, envahissant la plaine philistine et se rapprochant toujours plus de Jérusalem, Jojakim abandonna son allégeance à l’Égypte pour se soumettre à Babylone (2 Rois 24 : 1a). Jérémie étant interdit de parole dans la zone du temple, Baruc fut envoyé pour lire le contenu du rouleau l’année suivante (Jérémie 36 : 5‑10). Après quelques lectures, le roi lui-même en entendit la teneur, s’en irrita, puis découpa et brûla le rouleau, ordonnant que Baruc et Jérémie soient capturés, en vain car tous deux s’étaient déjà cachés. Sur l’ordre de Dieu, les deux hommes récrivirent le rouleau et le complétèrent (versets 20‑32). Cependant, pendant plusieurs années, et de nouveau quelques années avant le siège final de Jérusalem, Jérémie n’apparaît plus.

Pendant ce temps, les Babyloniens poursuivaient leur incursion et attaquaient Jérusalem la première fois en 605. Ils emmenèrent des juifs en exil à Babylone, parmi lesquels Daniel, des dignitaires et membres de la famille royale (voir Daniel 1 : 1‑7). Jojakim resta sur le trône de Juda en tant que vassal jusqu’à sa rébellion en 598, qui provoqua une nouvelle marche des Babyloniens vers Jérusalem. Jojakim mourut avant leur arrivée, laissant son fils Jojakin subir l’attaque. Mais en 597, s’achevèrent également les trois mois instables de règne de ce dernier. Il fut remplacé par son oncle âgé de 21 ans, qui prit le nom de Sédécias pour monter sur le trône. Jojakin fut emmené à Babylone avec sa famille, d’autres grands de Juda, ainsi que les guerriers, des artisans et des membres des familles des ministres, y compris Ézéchiel (voir Jérémie 13 : 15‑27 ; 2 Rois 24 : 8‑18).

Jérémie réapparaît maintenant à Jérusalem, continuant à prophétiser. Dans une vision au sujet de paniers de figues bonnes et mauvaises, il reçoit un message au début du règne de Sédécias (Jérémie 24 : 1‑2). Les bons fruits représentaient les juifs en exil à Babylone, et les mauvais ceux qui demeuraient sur le territoire d’Israël et à Jérusalem (y compris le roi et sa maison) ainsi qu’en Égypte (où certains avaient fui par mesure de sécurité). Les exilés babyloniens retourneraient finalement dans leur pays et vers Dieu, tandis que les autres seraient rejetés : « Je les rendrai un objet d’effroi, de malheur, pour tous les royaumes de la terre, un sujet d’opprobre, de sarcasme, de raillerie, et de malédiction, dans tous les lieux où je les chasserai. J’enverrai parmi eux l’épée, la famine et la peste, jusqu’à ce qu’ils aient disparu du pays que j’avais donné à eux et à leurs pères » (versets 9‑10).

Dieu a stipulé que la mission prophétique de Jérémie porterait sur la destruction et le rétablissement : « Regarde, je t’établis aujourd’hui sur les nations et sur les royaumes, pour que tu arraches et que tu abattes, pour que tu ruines et que tu détruises, pour que tu bâtisses et que tu plantes » (Jérémie 1 : 10). On retrouve une terminologie similaire dans les textes de Jérémie et dans plusieurs autres passages de l’Ancien Testament, y compris dans le livre d’Ézéchiel : « Et les nations qui resteront autour de vous sauront que moi, l’Éternel, j’ai rebâti ce qui était abattu, et planté ce qui était dévasté. Moi, l’Éternel, j’ai parlé, et j’agirai » (Ézéchiel 36 : 36).

Pourtant, à Babylone, certains défendaient l’idée que l’exil serait de courte durée. C’est pourquoi Jérémie envoya aux exilés une lettre remise par un messager de Sédécias : « Car ainsi parle l’Éternel des armées, le Dieu d’Israël : Ne vous laissez pas tromper par vos prophètes qui sont au milieu de vous, et par vos devins ; n’écoutez pas vos songeurs dont vous provoquez les songes ! [...] Mais voici ce que dit l’Éternel : Dès que soixante-dix ans seront écoulés pour Babylone, je me souviendrai de vous, et j’accomplirai à votre égard ma bonne parole, en vous ramenant dans ce lieu » (Jérémie 29 : 8, 10).

Un prophète en captivité, qui s’appelait Schemaeja, entendit le contenu de la lettre et répondit au sacrificateur Sophonie et aux autres chefs de Jérusalem en affirmant que Jérémie était le faux prophète et en demandant pourquoi Sophonie ne l’avait pas condamné. Dieu eut cependant le dernier mot en promettant, par Jérémie, que Schemaeja serait châtié « car ses paroles sont une révolte contre l’Éternel » (versets 24‑32).

Gustave Doré engraving: "Ezekiel Prophesying"

Ézéchiel prophétisant, Gustave Doré (gravure, vers 1866)

Ministère prophétique d’Ézéchiel

Quand la lettre de Jérémie fut lue à Babylone, Ézéchiel se trouvait avec d’autres exilés à quelques kilomètres près d’un bras de l’Euphrate. Il est possible que Daniel, qui servait à la cour de Nebucadnetsar, ait joué un rôle déterminant en organisant là l’implantation de la nouvelle vague de captifs. Nous lisons ceci sur les circonstances de l’appel d’Ézéchiel : « La trentième année, le cinquième jour du quatrième mois, comme j’étais parmi les captifs du fleuve du Kebar, les cieux s’ouvrirent, et j’eus des visions divines » (Ézéchiel 1 : 1). Il apprit que sa mission prophétique consisterait à expliquer à son peuple rebelle en exil ce qui allait encore arriver à Jérusalem et à son pays natal dans un avenir proche.

Cette « trentième année » fait l’objet d’un large débat intellectuel. Certains sont convaincus que c’est l’âge d’Ézéchiel, d’autres que cette datation se rapporte aux années d’exil ou à la période réformatrice de Josias. Ce qui paraît clair, c’est que la trentième année et la date de la première vision d’Ézéchiel coïncident.

« De tous les grands livres prophétiques, seuls Ézéchiel est dans l’ordre chronologique. »

Marvin A. Sweeney, « Jeremiah : Introduction », The Jewish Study Bible

L’introduction continue ainsi : « Le cinquième jour du mois – c’était la cinquième année de la captivité du roi Jojakin – la parole de l’Éternel fut adressée à Ézéchiel, fils de Buzi, le sacrificateur, dans le pays des Chaldéens, près du fleuve du Kebar ; et c’est là que la main de l’Éternel fut sur lui » (Ézéchiel 1 : 2‑3). Ézéchiel est présenté comme un sacrificateur servant durant la cinquième année de captivité de Jojakim. Cela signifie qu’il avait au moins trente ans, âge de prise de fonction d’un sacrificateur (voir Nombres 4 : 3 ; 1 Chroniques 23 : 3). Il avait dû grandir dans une maison sacerdotale pendant le règne réformateur de Josias et habiter Jérusalem. La première vision du prophète eut lieu au cours de la cinquième année de sa captivité, soit 593.

On peut décomposer les années du ministère prophétique d’Ézéchiel en deux parties : avant et après la chute de Jérusalem (593 à 586, puis 586 à 571). Le ton des propos du prophète diffère entre ces deux périodes. Avant 586, les messages sont axés sur ce qui allait bientôt arriver à Jérusalem, notamment le départ de Dieu, à la fois du temple et de la ville, et la destruction de ces deux lieux, ainsi que la disparition immédiate de la nation et l’exil de la majorité de la population restante. Cette partie du récit est racontée aux chapitres 1 à 24, qui consignent surtout des jugements. Un passage intermédiaire rapporte ensuite des prophéties relatives aux nations environnantes (Chapitres 24 à 32). Après la prise de Jérusalem, les messages d’Ézéchiel concernent l’espoir suprême, ainsi que le rétablissement de la nation, de la cité et du temple (Chapitre 33 à 48).

Dans les vingt-quatre premiers chapitres, Ézéchiel reçoit donc des visions et des prophéties pendant sept années jusqu’à la prise de Jérusalem : « La sixième année [de sa captivité, en 592], le cinquième jour du sixième mois, comme j’étais assis dans ma maison, et que les anciens de Juda étaient assis devant moi, la main du Seigneur, de l’Éternel, tomba sur moi. [...] L’Esprit m’enleva entre la terre et le ciel, et me transporta, dans des visions divines, à Jérusalem, à l’entrée de la porte intérieure, du côté du septentrion » (Ézéchiel 8 : 1, 3). Ce qu’il perçut ensuite était une vision de ce qui se déroulait dans le temple de Jérusalem : c’était la pire des idolâtries

Ce à quoi Ézéchiel venait d’assister dans sa vision constitua une partie du message qu’il continua de transmettre aux anciens assis devant lui près du Kebar, non loin de Babylone. Il leur dévoila ce qui allait se passer à Jérusalem et pourquoi : « L’Esprit m’enleva, et me transporta en Chaldée auprès des captifs, en vision par l’Esprit de Dieu ; et la vision que j’avais eue disparut au-dessus de moi. Je dis aux captifs toutes les paroles de l’Éternel, qu’il m’avait révélées » (Ézéchiel 11 : 24‑25).

À Jérusalem, Jérémie subissait une forte opposition et fut même emprisonné car il continuait de déclarer que la ville tomberait aux mains des Babyloniens (Jérémie 37‑38). Il conseilla de coopérer avec ces derniers, malgré le désir du roi de demander l’assistance de l’Égypte et de ses alliés (Jérémie 27 : 4‑11). Sédécias, ne pouvant retenir ses conseillers entêtés, décida de revenir sur son accord avec Nebucadnetsar, provoquant ainsi la troisième attaque babylonienne en 588 (voir 2 Rois 24 : 18‑20). Jérémie rapporte ceci : « Lorsque Jérusalem fut prise, — la neuvième année de Sédécias, roi de Juda, le dixième mois, Nebucadnetsar, roi de Babylone, vint avec toute son armée devant Jérusalem, et en fit le siège ; la onzième année de Sédécias, le neuvième jour du quatrième mois, la brèche fut faite à la ville » (Jérémie 39 : 1‑2).

« Les onze années (597‑587 av. notre ère) du règne de Sédécias ont été marquées par le déclin régulier de la puissance de Juda et les efforts désespérés de Jérémie pour éviter le désastre annoncé. »

Abraham J. Heschel, The Prophets

Sédécias, qui s’était enfui, fut capturé et amené devant Nebucadnetsar, qui tua ses fils devant ses yeux ainsi que tous les dignitaires juifs qui l’accompagnaient, avant de le rendre aveugle et de l’emmener enchaîné à Babylone. La ville et le temple furent détruits par le feu, les murs démolis et la plupart des survivants déportés en captivité. Quelques pauvres furent laissés sur place pour travailler dans les champs et les vignes (versets 4‑10).

Nous découvrons ce qu’Ézéchiel sait de ces événements dans deux passages : « La neuvième année, le dixième jour du dixième mois, la parole de l’Éternel me fut adressée, en ces mots : Fils de l’homme, mets par écrit la date de ce jour, de ce jour-ci ! Le roi de Babylone s’approche de Jérusalem en ce jour même » (Ézéchiel 24 : 1‑2). « La douzième année, le cinquième jour du dixième mois de notre captivité, un homme qui s’était échappé de Jérusalem vint à moi et dit : La ville a été prise ! » (Ézéchiel 33 : 21).

Les prophètes majeurs : épilogue

Jérémie allait survivre à la prison, surveillé par un garde, puis libéré sur l’ordre de Nebucadnetsar et autorisé à choisir s’il préférait rester dans le pays ou aller à Babylone (Jérémie 39 : 11 ; 40 : 1‑5). Dans un premier temps, Jérémie opta pour rester dans le pays désormais administré par Guedalia, gouverneur juif désigné par le souverain babylonien (40 : 5‑6). Quand celui-ci fut assassiné et que les habitants voulurent s’enfuir en Égypte, Jérémie tenta de les en dissuader, prophétisant leur anéantissement s’ils persistaient dans ce projet (Chapitres 41 et 42). Face à leur insistance, Jérémie partit lui aussi en Égypte où il continua de prophétiser contre leur décision, annonçant que Nebucadnetsar allait attaquer le souverain d’Égypte et les Judéens qui avaient fui dans ce pays (43 : 10‑11 ; Chapitre 44).

À partir de là, rien n’est indiqué sur le lieu où s’est trouvé Jérémie. Son livre se termine par une série d’oracles contre les nations voisines d’Israël et par une prophétie sur la chute de Babylone (Chapitre 46 à 51). Cette partie est similaire aux prophéties d’Ézéchiel à propos de beaucoup des mêmes nations (Ézéchiel, Chapitres 25 à 32).

Une postface ajoutée aux écrits de Jérémie vers l’an 560 résume la chute de Jérusalem et explique qu’à la mort de Nebucadnetsar, Jojakin fut libéré de sa prison de Babylone (Chapitre 52). Quant à Ézéchiel, nous savons qu’il prophétisa largement sur le prochain rétablissement des deux maisons d’Israël dans la seconde moitié de son livre et qu’il prononça une dernière prophétie sur l’Égypte (Ézéchiel 29 : 17‑21) avant l’invasion de ce pays par les Babyloniens.

Jérémie et Ézéchiel ont tous deux joué des rôles primordiaux dans l’expression de la volonté divine à l’égard du royaume de Juda, en accomplissement des prophéties de captivité inscrites depuis longtemps dans le Lévitique et le Deutéronome. Ils ont également prédit le rétablissement des deux maisons d’Israël, le Nord et le Sud. La mesure dans laquelle celui-ci s’est concrétisé au retour des survivants après soixante-dix années, c’est ce que nous verrons dans un prochain épisode de cette série. La prochaine fois, nous terminerons notre étude de la deuxième grande partie des Écritures hébraïques en nous penchant sur les prophètes mineurs.

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(PARTIE 27)